Valentin Serov 1/2

Du 7 octobre au 17 janvier, à la galerie Tretyakov, se déroule une exposition des œuvres de Valentin Serov, l'un des artistes russes les plus populaires. Cette expo attendue depuis 25 ans par les Russes rencontre un énorme succès. Ce jeudi, quelques minutes avant 10h (heure d'ouverture) une trentaine de personnes faisait déjà la queue devant nous.

A l'occasion du 150e anniversaire de la naissance de ce grand peintre, la galerie à réuni 250 œuvres, peintures, dessins, aquarelles, ce qui représente la plus grande exposition jamais consacrée à l'artiste. Les œuvres proviennent de musées moscovites mais aussi de Saint-Pétersbourg ou encore du musée d'Orsay de Paris par exemple. 

Valentin Serov :

Fils, d'Alexandre Serov, compositeur célèbre et de Valentina, pianiste, étudiante du compositeur, qu'elle a ensuite épousé. Il est agé de 6 ans quand son père meurt. Sa mère part en Allemagne pour suivre ses études de musique puis à Paris. Il y rencontre Répine, peintre de renom, auprès duquel il prend ses premières leçons. Il étudiera ensuite à l'Académie des Beaux-Arts de Saint-Pétersbourg, études qu'il ne finira pas.

L'exposition s'ouvre sur 'La jeune fille aux Pêches", son tableau le plus célèbre (et l'un de ses premiers).

La jeune fille aux pêches - 1887 Source : www.tretyakovgallery.ru

La jeune fille, Vera, a 8 ans. Elle arrive de l'extérieur, s'installe une seconde à la table, le rose aux joues. C'est ce moment que capte Valentin. Le peintre lui demande si elle accepterait de poser pour lui. Elle vient d'accepter 1,5 mois de torture durant lequel elle a posé chaque jour. Car c'est une spécificité de Serov: il avait besoin que les sujets posent longtemps, dans l'idéal : 3 mois! Les spécialistes noteront ce portrait très harmonieux. Si l'on enlève la pendule, le mur tombe. Si on ajoute une pêche, cela devient une nature morte. Mon avis de novice dirait que c'est plus qu'un portrait. Ce qui est frappant sur beaucoup de ses tableaux, c'est la retransmission de la lumière. 

Été. Portrait d'Olga Fiodorovna Serov (sa femme)- 1895 Source : Wikimedia.org

Jeune fille éclairée par le soleil- 1888 Source : wikimedia.org

Je retiendrai que le peintre avait un caractère bien trempé et n'hésitait pas à dire verbalement et/ou par ses œuvres ce qu'il pensait. Je vous livre ici mes découvertes.

L'empereur Nicolas II lui avait commandé un portrait qu'il a d'abord refusé d'effectuer car il ne trouvait pas la façon de s'y prendre. "Désolé Votre Majesté, mais rien ne sort. Cela arrive parfois". L'Empereur, plein de tristesse, s'assoit à la table et y pose ses mains. A ce moment là, Serov a tout ce dont il avait besoin : un moment spécial et l'apparence simple du roi dans sa veste grise, c'est ainsi qu'il va le peindre.

Portrait de Nicolas II en tenue d'intérieur - 1900 Source : www.tretyakovgallery.ru

Lorsqu'il a peint ce portrait de Nicolas II, Madame l'impératrice était toujours en proie à lui donner des conseils (elle aussi a fait des études d'art). Lassé, Serov lui aurait tendu la palette et le pinceau en lui disant "Mme l'impératrice vous pouvez terminer". Il n'aimait pas que le client interfère par ses conseils ou oriente sa façon de peindre. 

Aussi lorsqu'il a peint Vladimir Girshman, il l'a représenté avec la main dans sa poche qui attrape sa montre malgré les supplications de celui-ci. C'est un fait, il était toujours pressé.

Portrait de Vladimir Girshman - 1911 Source : www.wikiart.org

En 1900, il reçu le Grand Prix lors de l'Exposition Universelle à Paris pour le "Portrait du Grand Duc Paul Alexandrovitch" ( frère de l'empereur Nicolas III). Voyez comme il est beau...
 

Portrait du Grand Duc Paul Alexandrovitch - 1897 Source : www.tretyakovgallery.ru

...le cheval! Certains voient ici que le peintre a fait valoir le magnifique cheval et la cuirasse d'or (notez ici encore cette impression de lumière) davantage que le visage vide de celui qui pose. 

Il devint un portraitiste de renom et avait 2 sortes de tableaux: les commandes et ceux à sa demande. A la fois, convoité et redouté, Serov ne pouvait cacher ce qu'il pensait.

Pour le portrait de la Princesse Olga Orlova, nous pouvons penser qu'il l'a trouvait "anguleuse". 

Portrait de la Princesse Olga Orlova - 1911 Source : www.wikiart.org

Elle pose dans l'angle de la pièce, le coin de la table dans son dos. Voyez le grand angle de son genou qui semble reproduire le motif des moulures murales. Et lorsque la question "Pourquoi un chapeau si grand?" lui fut posée, il répondit : "je ne voulais montrer que le chapeau."

Pour le portrait de Maria Iermolova, actrice de théâtre - un tableau sur commande - il prit position sur un petit banc pour exprimer cette idée de grandeur. Après 30 jours de travail, elle n'était pas satisfaite du résultat, elle se trouvait trop vieille. Mais pour lui, les tableaux doivent représenter la femme telle qu'elle est et non ce qu'elle veut être. Il l'a représentée ici à la façon d'une colonne de théâtre et a essayé d'exprimer tous ses rôles d'actrice. 

Portrait de Maria Iermolova - 1905 Source : www.tretyakovgallery.ru

Lors d'un été il entreprit le portrait de Nadezhda : sa cousine. Dans la précipitation, il a réalisé cette peinture sur une plaque de métal, provenant de la couverture du toit. Cela rejoint sa volonté de montrer ses traits durs. 

N'ayant pas fini le tableau, il revint l'été suivant. Le bébé avait beaucoup grandi. Il a "rayé" le premier enfant et a poursuivi avec l'enfant suivant (ouf!) de Nadezhda. L'enfant sur le tableau est devenu un enfant "symbolique".

Portrait de Nadezhda Derviz - 1889 Source : www.wikiart.org